Se réinventer
Se réinventer devient la priorité pour les entreprises, comme pour les associations. Innover en ces temps difficiles, c’est parfois reconsidérer un dispositif, rompre avec l’habitude, prendre l’initiative. Les restaurateurs, les coiffeurs, les organisateurs d’évènementiel doivent faire face. Quand Elisa Fiasca et David Commenchal, « Once in a BlueMoon », ont vu au printemps tous leurs concerts en salle s’annuler, ils ont réagi. Modifier leur fonctionnement est leur réponse à « la crise ». Leur démarche mérite d’être détaillée, comme exemplaire des postures positives face à la pandémie et ses sombres litanies. Ils décident de se produire en extérieur, dans des espaces publics ou privés dans le Perche où ils vivent. Le prochain concert aura lieu le 19 septembre à 17h30 pendant les Journées du Patrimoine au manoir de Soisay — La Perrière. On oublie trop souvent que l’art, c’est aussi une contribution à la vie des territoires, c’est créer du lien au moment où l’isolement plombe la vie quotidienne des habitants et met à rude épreuve l’économie.
« Ils m’écoutent, ils me répondent”
Elisa Fiasca habite La Perrière l’un des villages les. plus prisés du Perche. Et quand Marc Georges, autre figure culturelle du village (« La Demeure du Livre ») dépose un chocolat devant la porte des habitants de La Perrière, ce geste de bienveillance « ce petit instant de plaisir qu’on donne aux gens » l’inspire pour faire à son tour une action pour créer du lien, en plein confinement : faire du porte porte et chanter un extrait de son répertoire, “Le soir des miracles » Lucio Dalla,suivie par Julie Franchet, photographe, à la caméra. “Une vidéo qui obtiendra 1000 vues en 2 jours”. Puisque les concerts ne peuvent avoir lieu en salle, Elisa Fiasca va mettre au point, avec les communes, un dispositif « gagnant gagnant », un partenariat multi-acteurs au niveau local. Elle propose aux maires, puisque le beau temps s’y prête, un concert en extérieur « Ils m’écoutent, ils me répondent ». Six communes se manifestent. Le maire d’Eperrais Guy Suzanne est le premier à donner son accord. Le concert a lieu un dimanche après-midi dans un cadre magnifique, la Source de la Herse dans la forêt de Bellême. Et c’est là que le dispositif est malin : la mairie fournit les chaises et les tables pour le « picnic », se charge du protocole sanitaire et du règlement des droits de la Sacem en échange d’une animation culturelle gratuite . Les commerces proches y trouvent leur compte, le Restaurant de la Herse va faire une belle journée. Les spectateurs vont découvrir un site. L’Office de Tourisme y gagne en notoriété. Les offres se multiplient. Le bénévolat n’est qu’une étape, et la gratuité ne saurait être érigée en système, mais le dispositif permet d’expérimenter, favorise les rencontres.
Rebondir
Cette fois c’est « Once in a blue Moon » qu’on vient solliciter. A Randonnai c’est un peu un S.OS que lance la directrice par Lisiane Uhring, de la Corne d’Or une association qui accueille les handicapés mentaux qui, à cause de la pandémie, ne voient plus personne. Cette résidence de la Beaugeardière aussi le lieu d’un Centre des Arts, est entouré d’un grand parc. Plutôt qu’un spectacle »virtuel » ìl est décidé d’un spectacle in situ. « L’art vivant est toujours à privilégier », nous dit Elisa Fiasca. Puis c’est le Theil et son office de tourisme qui proposent leur espace. Ensuite vient le Parc de Vigan, peu connu à Bellême, ou encore le 26 septembre La Renardière à Bellou le Trichard, le 27 septembre l’Eglise de La Perrière. Le 10 octobre ce sera à l’église Notre-Dame de la nativité de Pouvrai.
C’est Elisa Fiasca qui conçoit elle-même les affiches du spectacle ce qui nous rappelle qu’elle est aussi plasticienne co-fondatrice de Label Friche Rappelons que David Commenchal est un photographe professionnel qui vit dans le Perche depuis vingt ans et vient de publier Le tour des Collines du Perche avec Syvie Mazereau pour les illustrations (La Mésange bleue éditions 2019).
Elisa et David répètent deux fois par semaine. Communication de « bouche à oreille » ? « La meilleure façon de communiquer est encore de se produire » nous dit Elisa Fiasca ». Faute de « tourneur professionnel qui «imagine, propose et gère une série de concerts d’un artiste sur un territoire, auprès de lieux de diffusion et sur une période donnée. » Aux “élus” d’examiner comment des « acteurs culturels » ont su « rebondir » en partenariat avec le tissu local proche et de les soutenir. Rebondir n’est pas réservé aux grandes entreprises : il suffit parfois d’un zeste d’innovation, d’une écoute des communes et d’une meilleure connaissance des talents d’un territoire pour sauver une animation.