RADICAL
“Qui vise à agir sur la cause profonde de ce que l’on veut modifier.Prendre des mesures radicales.” ROBERT
(latin médiéval radicalis, du latin classique radix, -icis, racine)
“Qui présente un caractère absolu, total ou définitif : Une transformation radicale des institutions.” LAROUSSE
Un désir de radicalité
Les sondages le démontrent : il y a chez les électeurs un désir de radicalité. Non aux demi-mesures, à la frilosité, au consensus mou, à la bien pensance.Ils veulent aller la racine.Il y a des maux dans la société qui exigent le déracinement. Tailler ou couper des branches qui repousseront inéluctablement n’est plus acceptable. Il faut y aller à fond, plein pot. Trop de programmes — et de candidats à l’élection présidentielle en France — raisonnent à l’intérieur du cadre figé qui s’est installé depuis des décennies . Les propositions raisonnables deviennent inaudibles et la parole des professionnels de la politique est démonétisée. Les partis n’ont pas analysé le taux d’abstention aux élections départementales 2021: une abstention volontaire, obstinée, pour signifier qu’ils subissent des baronnies installées ou qu’ils ne trouvent par leur compte dans les choix qui leur étaient proposés. « De toute façon, ça ne changera rien » était le commentaire le plus fréquent.
Les militants parlent aux militants, pas aux français
Le langage des militants est significatif, ils parlent de « gagner les élections », c’est ce qu’on leur appris. Gagner. Conserver son siège, rester dans la place. Et la place est bonne. Beaucoup d’élus sont consciencieux, mais pour certains la conception de leur mission semble d’un autre âge. En milieu rural, ils se plient aux inaugurations, hommages, accompagnent les agriculteurs, les artisans, et surtout ne rien changer. Trop peu ont choisi de faire participer les citoyens.
Les militants parlent aux militants mais ne parlent pas aux français. Eric Zemmour, en refusant d’être candidat sur le mode « on va gagner » se concentre sur les sujets qui révoltent les gens, toutes tendances confondues : dépenses publiques immodérées , assistanat à outrance, soins de santé gratuits pour les étrangers en situation irrégulière. Il nomme les choses sans peur de choquer ou de perdre des voix « Je ne vais pas édulcorer mon discours. » Il a su capter ce désir de radicalité, faire sauter les verrous, en finir avec les tabous. Peu importe que nombre de ses idées soient pour le moins déplaisantes ou aberrantes — la peine de mort semi-approuvée. Sa force de conviction l’emporte. De l’audace, encore de l’audace. Ce n’est pas un hasard si Eric Zemmour a choisi, plutôt que de se lancer dans la « compétition des ambitions », de présenter son livre « La France n’a pas dit son dernier mot » à Lille Grand Palais où il embrasse les vielles dames et séduit les jeunes LR. Mais à côté il y a des teeshirts Eric « Zemmour 2022 ». « Lui, il parle à la peur des gens » dit Richard Malka, avocat qui pourtant est à l’opposé en terme d’idéologie. « Il y a un moment où on a besoin d’audace »
« La faillite des partis »
Il faudrait d’abord, pour que les partis séduisent, qu’ils admettent que la démocratie représentative ne peut plus se résumer à une consultation des citoyens tous les cinq ans. C’est long, cinq ans. Hors « “Ce qui se décide sans les citoyennes et les citoyens se construit contre eux. » écrit Quitterie de Villepin qui a été à l’initiative du mouvement #MAVOIX et qui annonce son retour en politique et son intention de se présenter aux élections législatives 2022. Qui parle de participation des citoyens pendant ces “campagnes “ électorales — sauf des initiatives comme La Primaire Populaire et un peu les verts …un peu seulement. Combien de temps les français vont-ils subir les annonces de dépense d’argent public sur lesquels ils ne sont pas consultés? “Les gens en ont RAS-LE-BOL de la manière dont se fait la politique aujourd’hui !” comme le résume sa porte-parole Mathilde Imer.
Même rejet au Royaume-Uni et même critique du parti conservateur,Boris Johnson la cible de toutes les colères, mais aussi du parti d’opposition, Keir Starmer, dépassé, ne fait pas l’affaire : « Le pays a besoin d’une opposition qui est émotionnellement en contact avec le public et capable de répondre aux temps étranges que nous vivons » ecrit Sherell Jacobs dans le Telegraph. Etre en contact avec les gens, écouter les gens, répondre aux gens c’est ce que les partis ne semblent plus savoir faire. Les décisions technocratiques, à coup de dépense d’argent public, restent sans impact, surtout en période de campagne électorale. « Les gens ne sont pas dupes » ou encore « tous ceux qui participent au débat public doivent parler au coeur des français » dit Nicolas Sarkozy. La politique ne s’occupe plus des gens. Légiférer n’est pas gouverner.
Gouverner autrement : lectures
Le tort des politiques candidats est de ne pas introduire dans leur programme un peu plus de lecture et de culture. Car de nombreux ouvrages leur donnent des clefs pour gouverner autrement. « La démocratie autrement, L’art de gouverner avec les citoyens » (2021 L’Observatoire) de Frank Escoubes et Gilles Proriol est un véritable manuel qui propose de bâtir « un modèle véritablement inclusif du citoyen. » Pas d’exclusion des élus, mais un travail commun avec eux « Co-construire : mobiliser l’intelligence collective de la société civile au travers d’une nouvelle expertise profane. » Il est désolant de voir tant d’élus se passer des compétences pointues des habitants de leur territoire, qui peuvent être force de proposition dans leur domaine de compétence.
Avec « Le Parlement des invisibles Déchiffrer la France » Pierre Rosanvallon avait déjà analysé en 2020 la défiance qui « mine la démocratie » et ne fait que croître « Une impression d’abandon exaspère aujourd’hui de nombreux Français. Ils se trouvent oubliés, incompris, pas écoutés. Le pays, en un mot, ne se sent pas représenté ».« Les Epreuves de la vie, Comprendre autrement les Français » va plus loin encore. En partant des épreuves des français, il introduit l’émotion comme intelligibilité des fractures actuelles. « Nous comprenons par nos émotions, nous ne ne comprenons pas seulement par la raison. » Il y a dans ce traitement de masse des français à coup de décisions verticales « une non prise en compte de la valeur de la singularité ». « Là où on attend une réponse sensible il y a des mesures technocratiques ».On citera la souffrance qu’ont du endurer inutilement pendant 18 mois parfois des couples binationaux séparés par le #travelban des décrets inutiles et absurdes les empêchant de se réunir, leur interdisant le bonheur. Ou l’impossibilité pour une fille de voir son père mourant à l’hôpital. Sous couvert du sanitaire l’autoritaire s’est installé sans état d’âme . « Dans les luttes de classe il y avait une fierté, il n’y avait pas ce sentiment de supérieurs et d’inférieurs ». Hors les citoyens veulent être « égaux en dignité. »
Autre publication « Le nouveau modèle français » de David Djaïr ,30 ans, essayiste, enseignant à Sciences-Po, cite Victor Hugo et Saint-Exupery. il a semblé convaincant et innovant en défendant son livre et le « développement d’une économie du bien-être créatrice de valeur et de liens sociaux. »
Loïc Blondiaux, professeur au Département de Science politique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a récemment présenté une actualisation passionnante d’un ouvrage collectif autour du débat « Le tournant délibératif de la démocratie” Sous la direction de Loïc Blondiaux, Bernard Manin » (2021).il s’était lui aussi penché sur l’émotion « Les pratiques de démocratie participative qui se multiplient à travers le monde afin d’associer les citoyens à la décision sont de hauts lieux d’expression des émotions. » (La démocratie des émotions avec « Dispositifs participatifs et gouvernabilité des affects » (2008) .
Depuis la parution de « Sauver le monde » Michel Bauwens (fondateur de P2P Fondation) ne cesse de publier en défense des « communs » qu’il a été un des premiers à citer comme solution viable et souhaitable.(Michel BAUWENS, Vasilis KOSTAKIS et Alex PAZAITIS, Peer to Peer : The Commons Manifesto, University of Westminster Press, 2019), en français Manifeste pour une véritable économie collaborative. Les pages Facebook de P2P et Les amis de la Fondation P2P proposent de nombreuses lectures et des liens vers des initiatives internationales et de nouveaux modèles économiques.
“Quel monde voulons nous?
J’emprunte ce titre à l’un des chapitres de “Nos voies de résilience” ‘Massot 2021)de Flora Clodic-Tanguy qui vient de sortir. “Une galerie de portraits sensibles, atypiques” et un répertoire de chemins pour un monde nouveau. Pour tous “revenir à la vie normale” est exclu. La radicalité s’incarne dans les choix de Julien Lecaille qui prône “une simplicité radicale” (“Deep adaptation”) avec des groupes comme “Organisons la décroissance et une nouvelle gouvernance”. Il a mené à bien dans le Nord une expérience de démocratie participative. Effondrement, collapsologie, résilience donnent lieu à des initiatives de transition sur les territoires que les élus feraient bien de ne pas ignorer. Certains les soutiennent: les écolieux où on apprend à vivre via des stages en immersion avec la nature Etika Mondo.
Les acquisitions de terrain pour vivre “en delors du système” sont parfois perçues comme une menace due à la radicalité “anti-système” qu’elles projetent. One nation avait un projet mené à bien en toute légalité d’acquisition d’un grand terrain dans le Lot, https://www.onelab.land, “ou inventer co-créer, vivre en harmonie”. Mais assez vite le projet a rencontré l’opposition. Un commentaire très négatif de France 3 Occitanie qualifie le projet de “complotiste et anti-système”. Le terme “complotiste” est repris par tous les médias. Aurélien Pradié député Les Républicains écrit à Gérard Darmanin “Le Lot et sa ruralité ne peuvent en aucun cas devenir le terreau de développement et d’installation de groupuscules en tous genres. Hello Asso stoppe le financement participatif alors qu’une cagnotte de plus de 200 000 euros avait été constituée. Un “déferlement de peur” est le commentaire de One Nation. A suivre.
Là encore, des lectures s’imposent d’ “Effondrement” (2005) de Jared Diamond qui rappelle que “les civilisations sont mortelles” à “Comment tout peut s’effondrer” (2021) de Pablo Servigne et Raphaël Stevens. L’avertissement est là “Si l’on entend ralentir la spirale infernale du changement climatique, il va falloir sortir d’un système d’économie de marché qui repose sur la satisfaction des intérêts individuels.”(De Standard, Bruxelles,cité par Courrier International) mais trop de politiques ne veulent pas l’entendre.
Pour ancrer dans la gouvernance la démocratie participative, et prendre en compte la dimension de l’affect en politique, les nombreuses initiatives de la société civile suffiront-elles? On peut en douter tellement elles restent dispersées. Ces initiatives devraient former à terme un archipel « citoyen » Archipel Citoyen « porte et défend un renouveau politique fondé sur la démocratie permanente à Toulouse». Issue de la Civic Tech Open Source Politics mise sur l’Open Source et engage les collectivités dans des conventions citoyennes locales. “Démocratie numérique et participation citoyenne : le monde d’après ?” Pourtant l’approche est juste. La démocratie devrait être une dynamique, un débat permanent avec le citoyen. La société civile a montré qu’elle était déjà prête et des solutions sont mises en oeuvre partout en France. Elles correspondent à un mode de vie souhaité qui n’est pas repertorié par les partis politiques.
Pour Loïc Blondiaux : « La principale condition de réussite de la démocratie participative reste son articulation au pouvoir politique. Trop de dispositifs participatifs restent déconnectés des lieux où les décisions se prennent réellement et trop d’initiatives échouent faute d’avoir exercé la moindre influence sur les processus politiques sur lesquels elles venaient se greffer. ».
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