My lovely quarantine
Accueillie sur le quai de la petite gare de la campagne anglaise, j’ai le sentiment d’avoir gagné la première manche d’un combat de boxe, David contre Goliath. Voyager est devenu un challenge.
L’absurde quarantaine
Des centaines de tweets, des messages diplomatiques corsés, des articles indignés dans la presse, tant du côté français que britanniques ont pesé dans la balance: le 5 août, le Royaume-Uni annonce la fin de l’absurde mesure de quarantaine infligés aux voyageurs doublement vaccinés passant la frontière britannique. La France seul pays européen discriminée avec le statut étrange AmbrePlus redevient Ambre. Les tests et la quarantaine de 10 jours auront provoqué la colère et le désarroi pour des millions de voyageurs britanniques et français. “Je ne suis pas sûre d’être arrivée dans mon pays ou dans une étrange et nouvelle dystopie » “écrit Eleanor Aldridge, journaliste spécialiste du voyage.
Allison Pearson ( The Daily Telegraph)partie en Grèce, est parmi les journalistes qui ont le mieux décrit le désir de changer de décor, de quitter l’Angleterre maussade et pluvieuse après 16 mois de restrictions « Give me a break, Boris » Selon elle, un séjour idyllique en Grèce est possible, en théorie. Mais les conséquences des restrictions drastiques et multiples font que le monde du voyage semble désormais réservé aux « riches », tandis que les familles modestes ne peuvent payer le luxe du prix des tests (500 livres pour une famille de 4 ) et des annulations de dernière minute. « Si vous n’êtes pas riche, vous n’allez nulle part» constate Allison Pearson, qui voit le Royaume-Uni et le monde divisés entre ceux qui ont les moyens de voyager et les autres. « Je peux témoigner que notre Gouvernement fait tout pour que nos vacances soient difficiles et hors de prix.”
La nouvelle bureaucratie du voyage
Le 30 juillet 2021, c’est décidé, je pars. Je vais prendre le risque de passer la frontière France UK, malgré les delta et beta et autres Covid menaces. Heureuse de m’extraire de la bureaucratie française et ses contraintes. Mais c’est pour me plonger dans la bureaucratie du voyage. Voyager « avant », c’était préparer sa valise, hésiter entre trois tee shirts, ne pas oublier la crème solaire, son maillot préféré, et surtout pas son passeport. Aujourd’hui c’est ne pas oublier ses mots de passe, ses QR codes. Je vais devoir passer une semaine à étudier documents et formulaires GOV UK. J’ai du filtrer les centaines laboratoires privés, fournissant les tests PCR pour en sélectionner un avant mon départ, régler, et inscrire le numéro d’enregistrement sur la Passenger Locator Form, à remplir les 48 heures précédant l’arrivée sur le territoire britannique. Un formulaire qui vous extorque toutes les données possibles et imaginables sauf une : la mention « Etes vous vacciné ?» n’existe pas pour les français “discriminés”. La seule réponse possible à la question est « Non/ je préfère ne pas répondre ». On me demande à la fois de fournir la preuve d’un test négatif et d’une double vaccination, mais on exige de moi de mentir en prétendant ne pas être vaccinée pour me conformer aux règles UK qui refusent de reconnaître la vaccination effectuée en France- y compris Pfizer.
A l’arrivée d’Eurostar à la gare de Londres St Pancras International, j’ai ma liasse de papiers …mais surprise, aucun contrôle à la frontière. Tout ce travail pour rien? Je n’arrive pas à y croire!
Surprise, vous êtes « pingée »!
Premier Sandwich oeufs concombre chez Mark&Spencer à Victoria Station en attendant mon train régional vers la côte du Sud-est anglais. Une aide appréciable de South Railway Trains me guide vers le quai. Dans le train, tous masqués. Je regarde les premiers paysages de campagne anglaise, la fauche a eu lieu, les haies sont fleuries, les moutons en liberté dans les champs. Accueillie sur le quai de la gare j’ai le sentiment d’avoir gagné la première manche d’un combat de boxe, David contre Goliath. Et enfin le « Hug » tant attendue, serrer dans ses bras celui qu’on a pas vu depuis des mois. Mais surprise dès le lendemain de mon arrivée, Jour 1 selon les instructions, je reçois un appel de la NSH, le célèbre et contesté Test-and-trace qui veut s’assurer que je suis bien la quarantaine et l’isolement légal. C’est 30 minutes d’interrogatoire sans concession auquel je dois répondre. Maintenant j’ai compris à quoi sert le formulaire en ligne. Pas besoin du fastidieux contrôle aux frontières puisque je vais être contrôlé tous les jours par téléphone ou SMS. J’échappe à la visite du représentant « local » dont pourtant me menace le message du second appel sans compter les textos du gouvernement!
« AmbrePlus? Absurde! »Indignation générale
C’est encore à un déchiffrage administratif que je dois me livrer avec la complexité des tests et de leur envoi. Mon ami ayant voulu me faciliter la vie, a commandé les tests obligatoires ( 2 jours et 8 jours) pour moi. La situation de complique au contraire. Le règlement interdit qu’on commande des tests pour une autre personne. Embrouillamini garanti. Le transporteur qui assure l’envoi des tests ne reconnaît pas l’adresse et bloque l’envoi. Quand le colis arrive enfin, j’envoie le test sans avoir registré le code du flacon. Je n’ai pas compris les instructions, non vraiment, c’est trop compliqué! Les résultats du test 2 arrivent avec 4 jours de retard. Retard aussi pour le « Test to Release » qui a pour mission de réduire la quarantaine à 5 jours moyennant un tarif au prix fort. Entre temps les appels Test-and-Trace continuent, sans compter les messages insistants de l’app française TousAntiCovid qui entend elle aussi me contrôler même quand je suis à l’étranger. Toute une orchestration de “pings” non stop pour une personne doublement vaccinée ! L’agacement monte à la UNE de la presse britannique et l’indignation est générale tant l’absurdité de la mesure est évidente et le tarif des tests excessif. Les journalistes ne cessent de s’indigner sur le prix des “PCR” imposé aux familles, jusqu’à 5 fois plus que le coût réel. Alors que je viens d’envoyer mon Test Jour 5, la nouvelle tombe le 5 août : plus de quarantaine à partir du 8 aout pour les doubles vaccinés arrivant d’Europe y compris la France qui retrouve son statut « Ambre ». Mais pas pour moi, arrivée avant le 8 août. Et le 9 août c’est aussi la date d’entrée en vigueur en France du Passe Sanitaire dans les bus et les trains.
Menace sur la démocratie du voyage ?
“Est-ce que le Covid est une excuse pour en finir avec le voyage bon marché? » s’inquiète Ross Clark dans le Daily Telegraph. Cherche-t-on à conditionner les « populations » à rester dans leur pays, comme l’ont matraqué nos ministres en vantant la Belle France sans égard pour les couples bi-nationaux séparés? La disparité du coût des tests en Europe va de gratuit à 50 euros, puis jusqu’à 300 euros reste un problème. Les gens ordinaires se sont habitués à une démocratie du voyage. Les britanniques prennent chaque été des charters vers la Costa Brava ou la Sardaigne. Ou la Riviera française. Allison Pearce voit une nouvelle forme d’apartheid dans le monde du voyage. Ross Clark voit dans ce chaos un essai grandeur nature pour mesurer jusqu’à quel point on peut conditionner les gens dans un monde où le « nouveau normal » est régi par des restrictions mouvantes et trop souvent injustifiées. Les citoyens voient l’élite mondiale épargnée se déplacer à coup de jets privés ou d’avions officiels “Eux-même n’ont aucun obstacle à leur mobilité, comme l’a prouvé le récent déplacement en juin du G7 en Cornouailles et bientôt la Cop 26”. Les restrictions absurdes ont un coût pour l’économie et pour le moral que les citoyens ne sont pas prêts d’accepter.
Non, ce n’est pas su “populisme” de se battre pour la démocratie du voyage. Le bon sens a gagné puisque le 5 août un nouveau décret du Royaume-Uni supprime la quarantaine obligatoire pour les voyageurs vaccinés et un seul test l’arrivée UK. Enfin ! J’ai donc du subir 4 tests en comptant celui (gratuit) avant mon départ et 3 payants. Le prix à payer pour 15 jours de bonheur.. Non, on ne m’empêchera de voyager. Je viens de recevoir une invitation du Web Summit, qui aura lieu du 1 au 4 novembre à Lisbonne. Les leaders mondiaux tech de la planète seront là. Et j’ai bien l’intention d’y aller.