Grand Débat : Bluenove mise sur l’intelligence collective

Janique Laudouar
8 min readMar 27, 2019

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Après le Grand Débat, la prochaine étape : l’Après Débat…

Source image : ISDI Education

On ne réinventera pas les instruments de la pensée collective sans réinventer la démocratie, une démocratie partout distribuée, active, moléculaire. »Pierre Lévy L’intelligence collective, pour une anthologie du cyberespace Editions La Découverte 1994)

« L’intelligence collective massive, c’est la capacité à mobiliser des communautés de grande taille (des centaines, des dizaines de milliers de participants) sur des enjeux clés pour co-créer en un temps court des solutions nouvelles. https://bluenove.com/offres/assembl/

Intelligence collective et politiques publiques

L’intelligence collective est leur coeur de métier. Antoine Brachet, directeur intelligence collective, Frank Escoubes co-fondateur et co-président de Bluenove ont des parcours qui en témoignent. Au-delà de leur activité d’entreprise, (En dix ans, Bluenove a accompagné 200 clients sur plus de 400 projets) ils ont l’intuition que le conseil et les outils numériques peuvent aussi servir l’innovation dans les politiques publiques. Antoine Brachet, très présent sur les réseaux, a rapidement perçu comment le numérique allait faire évoluer la démocratie. Il invente le personnage collaboratif de Julien Letailleur, métaphore de la demande de participation citoyenne popularisée par la civic tech, où le citoyen veut être impliqué dans la gouvernance. Frank Escoubes, d’abord conseil en stratégie, expert en intelligence collective, a fondé au Canada avec comme partenaire Deloitte « Imagination for people”, une plateforme collaborative qui déjà mixait les innovateurs de la société civile, et l’ l’intérêt général, « les communs ». Son credo : « Orienter les politiques publiques, parce qu’un projet partagé vaut mieux qu’un projet décrété, aussi performant soit-il. Et parce que les citoyens sont porteurs d’une connaissance, d’une expertise d’usage de leur territoire, de leur quartier, et que cette expertise est à la fois rare et précieuse” Intelligence collective en ligne et participation citoyenne (Partie 1). Ce pari de 2015 de Frank Escoubes est plus que jamais valable en 2019 à l’heure du Grand Débat et des attentes citoyennes qu’il suscite. C’est aussi la reconnaissance des profils atypiques et pionniers innovateurs qui sont devenus très prisés par les entreprises et que l’administration publique peine parfois à intégrer.

L’’Arbre des connaissances devient l’Arbre des Propositions utilisé pour les cahiers de citoyens (utilisé ici par l’AMRF Association des maires ruraux de France)

Traitement de données massives

Aujourd’hui Bluenove est «chargé d’analyser la richesse des contributions sous format libre, essentiellement au travers des cahiers citoyens, des courriers personnels (lettres ou courriers électroniques) ou des synthèses des débats citoyens (réunions d’initiatives locales, RIL). » tandis que l’institut de sondage Opinon Way est en charge de la plateforme en ligne du Grand Débat développé par de Cap Collective. Un consortium piloté par Roland Berger, associé à Cognito et Bluenove, est formé. Alors qu’on pouvait s’attendre à un déploiement d’intelligence artificielle : “Il n’y a pas d’intelligence artificielle” précise Antoine Brachet “il y a traitement d’une grande masse de données “. C’est d’abord la BNF qui va numériser les cahiers de citoyens, qui seront ensuite dactylographiés et livrés sous forme de données numériques. Quelle forme prendra la synthèse? « du texte mais aussi le visuel, avec les arbres de la connaissance » Retour aux sources de l’intelligence collective, avec le concept et logiciel imaginé en 1999 (Les arbres de connaissances » Par Michel Authier et Pierre Lévy).Le logiciel Gingo permet de représenter sous forme d’un arbre, les connaissances d’un collectif. C’est le rôle de Cognito.

RIC un thème récurrent des Gilets Jaunes, La Marche du Siècle photo JL

“Une synthèse la plus fidèle et complète”

L’humain entre en jeu quand il s’agit de répartir en thèmes et sous thèmes les mots-clefs, de replacer dans un contexte les occurrences. Le travail de Bluenove sera-t-il assorti de recommandations, de conseils au gouvernement? « Mon rôle consiste à m’assurer que la synthèse soit la plus fidèle et complète possible » nous dit Antoine Brachet « les données seront ensuite mises à la disposition de tous sur le site gouvernemental ». Pour Bluenove, la preuve est faite, que oui, on peut traiter des données massives en un temps record, la date de remise de la synthèse est fixée au 5 avril. Ce savoir-faire, le traitement de gros volumes de données, prouve que l’interrogation en masse des citoyens ne pose pas de problème technique. « Mais on en est encore à la préhistoire, Ce type d’exercice permet d’accélérer le rythme d’innovation démocratique. L’exercice est inédit et la France peut devenir l’un des leaders de ces nouvelles pratiques ». Et la méthodologie? Le tirage au sort pour les conférences citoyennes n’a pas été un succès au départ. Il y a d’autres pistes, assemblées citoyennes, RIC demandé par les Gilets Jaunes. « Qu’il y ait un maximum de méthodes possibles, c’est tout ce que je souhaite, il faut tester les méthodes » y compris la fiction collaborative comme outil prédictif du futur, tel Bright Mirror autre initiative de Bluenove. « Ce que je ressens, c’est un instant d’incroyable vitalité démocratique » s’enthousiasme Antoine Brachet.

“Scénarisation Collaborative d’Imaginaires Positifs.” La fiction collaborative pour imaginer le Futur

Pour Frank Escoubes « l’intelligence collective est rare, complexe à faire émerger, à accompagner à analyser ». Dans le cadre du Grand Débat ce n’est pas tout à fait l’intelligence collective qui émerge, mais « des démarches de projection personnelle », démarche honorable mais pas le fruit d’une expression collective «La synthèse est complexe , 10 000 réunions d’initiatives citoyennes, que les animateurs et facilitateurs n’ont pas toujours rapporté ». (10 452 sur le site du Grand Débat, 16 000 cahiers, 10 000 courriers et courriels ). Quel accompagnement pour le Grand Débat?

Frank Escoubes : « Notre plateforme Assembl n’a pas été retenue, c’est Opinion Way qui fera l’analyse de la plateforme Le Grand Débat. Mais je crois à l’après Grand Débat. Nous avons une plateforme délibérative, autour de l’intelligence collective augmentée, des dialogues, des articles, des outils conversationnels.

“L’expertise d’usage” du citoyen

Q : L’après Grand Débat ?

Frank Escoubes : Il faudrait lancer un second cycle délibératif, accompagner c’est notre coeur de métier. Les citoyens on fait preuve d’une culture politique étonnante, exemplaire. Face à la pluralité des politiques publiques il y a des propositions qui vont venir percuter une grand nombre de domaines (juridiques, RIC avec une diversité des modes opératoires). Il y a des propositions systémiques, de grande ampleur.
Dans cette seconde phase de délibération, il faudrait des mécanismes qui s’inspirent des conférences de consensus , une sensibilisation préalable des citoyens au contenu, contextualiser une quinzaine de propositions avec mise en situation. Faire délibérer les citoyens entre eux n’est pas la panacée. Ne pas diaboliser le rôle de l’expert, adjoindre un médecin quand on parle de santé. Il y a un vrai travail de casting de parties prenantes autour de la table ronde virtuelle.

Q : S’adresser à l’expert, sans doute, mais le citoyen peut être amené à avoir une expertise pointue dans des domaines qui le concernent …

Frank Escoubes : Saisissons nous de véritables espaces d’expertise des citoyens au meilleur de ses capacités. L’expertise du citoyen est une situation d’usage, le citoyen est expert de sa propre vie. Un espace avec des témoignages, des traces d’intelligence collective. Faisons confiance à une dynamique vertueuse, l’ingénuité » du citoyen peut donner lieu à une co-construction fructueuse. Que le gouvernement ait la sagesse de confier cette dynamique à ceux qui ont pour métier de l’animer.

Q : Pourquoi les politiques publiques sont-elles si peu évaluées? Une des raisons de la colère quand on constate « que ça ne marche pas » ?

Frank Escoubes : on a un cruel besoin de suralimenter la machine avec des data. Les politiques publiques sont sous-alimentées en données. Au lieu d’un descriptif fin et granulaire issu de l’analyse des données de masse, on est trop souvent dans le spéculatif. Exemple le débat autour de la décision des 80km/h et les réactions épidermiques. Il y a une cartographie du bruit avec peu de signal. L’obsession des Gilets Jaunes se focalise sur sur la décision publique, tout un « angle mort” est délaissé, celui de l’évaluation des politiques publiques, je suis surpris que personne ne s’y penche.

Les mots-clefs du Grand Débat National par thème (communiqué par Missions Publiques )

« Une grande imagination citoyenne, ça fixe la barre très haut pour les politiques » (Pascal Perrineau, “garant” du GDN)

Eh bien justement l’évaluation des politiques publiques a été passé au crible par des citoyens dans le cadre du Grand Débat et du Vrai Débat. “On rentre dans un processus de co-construction (…) avec une grande imagination citoyenne, ça fixe la barre très haut pour les politiques » déclare Pacal Perrineau, l’un des garants du Grand Débat. Pour voir assisté dans le cadre de l’Observatoire des Débats à une Conférence Citoyenne Régionale à Dijon les 22 et 23 mars, j’ai pu avoir la confirmation que des citoyens tirés au sort, pour la plupart de classe moyenne, dont plus de la moitié sympathisants Gilets Jaunes, font preuve d’une maturité et d’une créativité dont il convient de faire bon usage après le Débat pour prolonger la participation citoyenne, et mettre en oeuvre les propositions. Dans la ligne de mire : le « millefeuille » français. La participation citoyenne est un thème transversal aux 4 grands thèmes du débat, au Parlement de s’en emparer comme certains députés le font déjà. Un représentant des « Garants » laisse entendre qu’une Association Citoyenne est « une piste envisagée ». Pour Carole Ulmer qui fait partie de l’équipe Grand Débat, la participation citoyenne est entrée dans la vie politique « Je ne vois pas comment on pourrait appuyer sur le bouton arrêt ». Présentation à l’Assemblée nationale début avril.

J’ai aussi pu constater qu’un dispositif élaboré et convivial d’accompagnement par des professionnels était absolument nécessaire et un gage de réussite. Bluenove, venez dans nos territoires ruraux à la conquête de l’intelligence collective !

Janique Laudouar

Frank Escoubes est auteur d’un essai qui vient de sortir Pris de court (Ed. Massot), florilège de délectables aphorismes

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Written by Janique Laudouar

Human relationships. Prospective, future, innovation. Democratie, Collaboratif, participatif, partage. Lanceuse d’alerte. Le Blog de la Ménagère@PoliticMenage

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